Cocteau (Glenway Wescott, Monroe Wheeler à sa droite, les Bourgoint?) sur la plage de Villefranche vers 1925. On reconnaît bien le mur de contrefort du train de la Plage des Marinières, même si la route n'y menait pas encore.


carte postale du Welcome annotée par Cocteau:

Marins français à la terrasse de côté du Welcome (aujourd'hui Cosmo-Bar)


Kiki de Montparnasse


Cocteau Lettre à Irène Lagut (janvier 1926): J'ai tardé à te répondre parce que l'hôtel était un bordel, et un bordel comble à cause des navires américains... on me change de chambre chaque jour et c'est tout juste si on ne loue pas mon lit pendant que je déjeune. Si tu venais plus tard il y a des chances pour que le Pittsburgh parte et que l'escadre franç[aise] ne vienne pas à cause des frais que cela représente... Kiki Man Ray a été obligée d'habiter Nice, elle vient le soir.

 le 4 janvier, à sa mère: Mon Welcome continue à être le centre américain. Je vois par la fenêtre en t'écrivant qu'on pavoise le Pittsburgh et qu'on couvre le pont arrière d'une bâche pour le thé-dansing que l'amiral offre à 5 heures aux grosses-légumes de Nice"... Mon bateau l'Heurtebise est repeint à neuf, blanc avec une bande bleu ciel. Mais mon marin adore ce bateau comme un stradivarius et s'arrange pour que je ne m'en serve jamais. Il le cache ou l'ancre au milieu du bassin.

 « …La première fois que j’ai vu Jean Cocteau c’était chez Man Ray où il était venu se faire faire sa photo. Il avait des gants en laine, rouge, blanc et noir. J’ai d’abord pensé qu’il était venu faire photographier ses gants!… » (souvenirs de Kiki)


Cocteau par Man Ray (1924)

Man Ray 1921

 kiki Man Ray et son appareil 1926

Man Ray Kiki 1923

 Kiki de Montparnasse est alors (après avoir été le modèle de Fujita et entretenu une brève relation avec Desnos) la compagne de Man Ray. Le violon d'Ingres, c'est elle, Noir et blanc aussi.


Elle apparaît dans Le ballet mécanique de Léger, et dans les films de Man Ray, dont Emak Bakia, où ils inventent les "yeux peints" dont Cocteau se souviendra toujours


Kiki devant le balcon du Welcome

Kiki de Montparnasse (par elle-même), bar du Welcome, à Villefranche


En 1925 alors qu’elle est près de Nice, Kiki va avoir un petit problème avec la justice.

« …Un soir, je vais retrouver des matelots amis dans un bar anglais où nous n’allons jamais. J’avais à peine ouvert la porte que le patron me crie:  » Pas de putain ici! ». Je me précipite sur lui et lui lance une pile de soucoupe sur la figure. Mes copains entament la bagarre, mais la police du bateau arrive!… »

« Nous en avons adopté cinq ou six, que nous ne quittons plus. »

« Je vais retrouver des matelots amis dans un bar anglais où nous n’allons jamais.
J’avais à peine ouvert la

Une bagarre s’ensuit, mais Kiki se retire avant l’arrivée de la poli­ce. Le lendemain matin, le patron du Sprintz Bar avant déposé plainte. Un com­missaire, escorté d’un gendarme à la figure toute rouge, se présente à l’hôtel et lui de­mande de l’accompagner.

Comme elle ne le suit pas assez vite, il la bouscule et, sans ré­fléchir, Kiki le frappe avec son sac à main.
« Ton compte est bon ! braille-t-il aussitôt. Coups et blessures à la magistrature»

Kiki est transférée à la prison de Nice.
Le 5 avril, Le Petit Niçois signale son arrestation (au Sprintz Bar) en termes insultants. Elle est « une fille aux mœurs légères, Alice Prin, âgée de trente ­deux ans, née à Paris […]. »



En raison des fêtes de Pâques, Kiki passa une bonne dizaine de jours derrière les barreaux.
Man Ray se précipite à Nice avec un certifi­cat médical du docteur Fraenkel qui affirme que Kiki a les nerfs malades, et des déposi­tions de Desnos et d’Aragon présentant Kiki comme une artiste. Elle est condamné à deux mois de sursis et sera sous contrôle judiciaire pendant deux ans.


L'un des bars américains de Villefranche, à quelques pas du Welcome, rue du Poilu (carrera drecha) devenu une agence immobilière.

Sir Francis Rose (Saying Life, memoirs), alors âgé de 17 ans, qui passe son temps à peindre des fleurs, raconte le même genre d'incident (probablement 1926):

"Ce soir-là elle prétendit être horrifiée de me voir au bar. Je devins brusquement son neveu, ce qui avait pour but de me protéger. Toutefois son langage battait celui de n'importe lequel des marins saouls... les filles partaient de crainte de quelque grabuge; il en résulta une pénurie de femmes... Un sergent de la flotte anglaise m'invita à danser et j'acceptai. Cela dérangea Kiki qui commença à exciter ses amis américains... L'un d'eux m'arracha à mon partenaire avec une force étonnante et frappa le marine qui atterrit au milieu des marins français attablés avec leurs "cocottes". Les femmes criaient et Kiki hurlait qu'elle avait été agressée, des lampes furent brisées et une mêlée générale s'ensuivit. Le barman s'arrangea pour ouvrir une petite porte et m'enfermer dans un placard obscur... Après un certain temps la pore s'ouvrit et Ski me tomba dessus. Nous étions tous les deux enfermés. Finalement nous avons entendu les voix de la police navale anglaise et américaine donnant des ordres, et les coups de sifflet des gendarmes français suivis de cris stridents qui ressemblaient à ceux d'une bande de mouettes dérangées. Nous fûmes délivrés du placard et nous prîmes l'escalier dérobé pour monter au dernier étage où les blessures de Ski furent soignées. Ses jambes qui plus tard devinrent célèbres, étaient salement couturées de coups de ciseaux donnés par une femme. Je regardai par la fenêtre et vis que tout le port grouillait de policiers; les Chasseurs Alpins avaient été appelés à la rescousse et des renforts de police étaient venus de Nice dans des fourgons. Comme la prison locale était déjà pleine, les prostituées étaient parquées dans deux urinoirs en métal installés dur la place comme deux temples d'étain. La police et les soldats les entouraient et affrontaient les marins en colère essayant de libérer leurs petites amies qui demandaient de l'aide, le tout accompagné de plaisanteries salaces et de bruits obscènes. Les clients de l'hôtel furent tenus éveillés le reste de la nuit."



Ski était un marin du Pittsburgh à bord duquel il était affecté à la blanchisserie: il faisait également partie de l'équipe de boxe. Sir Francis laisse entendre qu'il devint un acteur (ou un danseur) célèbre.
(Source, Jacques Biagini Jean Cocteau... de Villefranche-sur-Mer p64)



L'USS Pittsburgh en rade de Villefranche (vers 1920)
Ci-dessous le Noël des enfants à bord du Pittsburgh (Villefranche 1920)


Ce type de soirée semble avoir été courante, à chaque escale d'un navire américain.





Pierre de Lacretelle (venu soutenir Cocteau toujours sous le choc de la mort de Radiguet) écrit à Georges Auric le 16 septembre 1924:
La présence d'un croiseur américain dans la rade a transformé le bas de la ville en cercle d'enfer dantesque... L'hôtel [Welcome] est devenu, à la lettre un bordel, où forniquent sans arrêt les matelots avec des créatures de l'un et l'autre sexe, s'introduisant de nuit dans les chambres les mieux barricadées pour violer allègrement garçons et filles. Le jeune G... que tu connais, sans doute, n'a échappé hier soir que par miracle, à des outrages qui eussent peut-être été les derniers, comme on dit, mais n'auraient sans doute pas été, à mon avis, les premiers. Imagine, à 4 heures du matin, des cris de bête qu'on égorge, une galopade d'hommes nus dont les attributs virils ne laissaient aucun doute sur les intentions qu'ils nourrissaient. Ajoute à cela que les marins gisent par grappes, le long de la route depuis Nice, et tu comprendras qu'un être aussi délicat que moi soit devenu enragé.
Vers 5 heures du matin, comme les cris et les rixes, les hoquets et les pissements, les bruits de bidets et les halètements amoureux s'apaisent un peu, je parviens à m'endormir quelques instants; mais à 7 heures le conseil des pêcheurs s'assemble sous mes fenêtres et entame de longues discussions politiques qui finissent en hurlements. Vers 10 heures deux avions croiseurs commencent leurs pétarades, rasent mon balcon, font des culbutes au milieu d'un tumulte horrible, et à 11 heures, 12 coups de canon retentissent à bord en l'honneur d'un préfet, d'un général, d'un amiral qui monte à bord. C'est quelque chose comme la fin du monde au ralenti, et cela jusqu'à mardi... J'ai trouvé Jean [Cocteau] à mon arrivée en bon état... Mais je voudrais le voir plus sobre, car il abuse depuis quelques jours...



plus tardifs, le marin dit "de Londres"

"Les soldats, les matelots, les manœuvres qui s'y livrent (aux "mauvaises mœurs") n'y voient pas de crime. S'ils l'y voient c'est que le vice les guette. Le vice, écrivis-je, commence au choix. j'ai observé, à Villefranche jadis, des marins américains pour qui l'exercice de l'amour ne présentait aucune forme précise et qui s'arrangeaient de n'importe qui et de n'importe quoi. L'idée de vice ne leur traversait pas l'esprit. ils agissaient à l'aveuglette. Ils se pliaient instinctivement aux règles très confuses des règnes végétal et animal. Une femme féconde se déforme à l'usage, ce qui prouve sa noblesse, et qu'il est plus fou d'en user stérilement que d'un homme qui n'offre qu'un objet de luxe aux désirs aveugles de la chair." (La difficulté d'être Des mœurs pp153-4)

Cocteau Entre hommes, villefranche 1926 représente une version fantasmée des urinoirs situés derrière la chapelle, rendez-vous de marins et de chasseurs (avec ou sans majuscule)



Cocteau à Jean Bourgoint [vers le 3 janvier 1926].

 «Jeannot chéri, je vis dans un bordel franco-américain - au milieu des hymnes et des jazz-bands. Viens vite. Le navire américain est une ville de Lecorbusier-Saunier. Entre cette ville et la nôtre circulent des vedettes d'une élégance royale, pleine de chefs chamarrés d'or et de matelots cousus dans leurs jupes. Le changement de bocal m'éprouve. L'eau propre est trop propre. J'ai mal partout et je dors. Maman et toi, voilà les points fixes autour desquels j'essaye de bâtir un univers réel. L'état de songe, d'irréalité me tue. Que faire? J'envie tes bonnes joues, ta paille et ton crottin.
 Je ne savais pas que G. mourait d'amour [probablement l'écrivain américain Glenway Wescott]. Il pleure. Ne le traite pas trop par dessous la jambe. Il m'effraye à force de "réalisme", de sens de la vie et de goût des choses. Tu es fou de croire que tu me gênerais. Tu habiteras ma chambre. Quel bonheur! Jean [La signature est précédée du dessin d'un coeur.]»




Hôtel Welcome à Villefranche-sur-Mer, 23 janvier 1926 : à Jean Bourgoint «Mon petit Jeannot, je ne t'ai pas écrit, par tristesse et me sentant malade sans ta présence sous ce soleil froid, au milieu de cette atroce santé américaine. Ton passage était du ciel. Le soir de ton départ il y avait une fête assez jolie - genre mélange pompons rouges et cachets blancs. Mais que j'ai de mal, que j'ai de mal à pouvoir vivre, à savoir vivre! Quelle pilule pourrait m'ouvrir l'âme et le corps, puisque la prière me laisse seul au monde. Mes derniers espoirs s'envolent. Toi je t'aime, tu me fais du bien...»

portrait d'André Grange (poète surréaliste): sur la page du carnet de dessins Cocteau évoque le "dimanche de mort de Grange", subitement mort de maladie le dimanche 24 janvier 1926.


 Villefranche-sur-Mer, 28 janvier 1926, «Jeannot mon cher ange, je ne suis pas malheureux parce que je t'ai, que tes lettres sont des merveilles (...) Écris beaucoup, 4 lignes. Voilà une aspirine de l'âme. André Grange est mort [le poète surréaliste ami de Cocteau, mort subitement de maladie le 24 janvier 1926]. Je savais qu'il mourrait - cette mort ne m'étonne pas. Il avait une démarche qui ne trompe pas ceux qui connaissent la mort. La mort est mon amie. Elle aimait Grange. Elle le voulait. C'était visible, cela crevait les yeux (...) Il est mort converti, poussé au ciel par le livre de Charles [le Père Charles Henrion]. Prions pour lui. Il voulait savoir, il se démenait, se retournait dans la vie, comme un homme qui veut dormir. Il dort. Il vit de l'autre côté. J'ai une grippe, la fièvre. Je garde la chambre. Glenway [Wescott] me visite, mais il est un autre  écorché vif et catastrophé par des riens, la peur qu'Eugene Mac Gowane vienne à Villefranche entre autres [le peintre américain Eugene Mac Cown, amant de René Crevel]. C'est un enfant gâté formidable. Si je me permets un mot sage. Monroe [Wheeler, compagnon de Glenway Wescott] me regarde avec pitié comme un être grossier incapable de comprendre les rouages de son dieu (...)
  Je t'embrasse mon Jean adorable. Écris vite. [Dessin d'un coeur.]»

Jean l'Oiseleur Le marin dans la cave


Cocteau à Jouhandeau (sans date): "J'habite un drôle d'endroit. Une boîte tout bleue suspendue dans les hautes branches d'un arbre de Noël qui flambe. Au premier étage de l'hôtel-bordel, jour et nuit les marins se battent et dansent la danse du ventre. Je n'entends de jazz que la grosse caisse; c'est comme si on imprimait un journal dans les caves. Bruits de machines, crises de nerfs des poules, chœurs des marins (ils imitent les marins de films) etc.
Le départ du Pittsburgh était un rêve avec Marseillaise au ralenti et 12 projecteurs sur les poules en larmes aux fenêtres de l'hôtel."

Mauvais lieux 1930



Maman chérie (février 1926, après une attaque de grippe)

j'aime le lit et ne me plaindrais pas sans l'affreuse pétarade des moteurs américains sur terre et mer. Toute la nuit marins et poules jouent des tragédies qui varient entre Sophocle et Ibsen, dehors sous mes fenêtres. La police tire le rideau.




Saluts entre la flotte anglaise et les chasseurs alpins de Villefranche (extrait)
(poème en marge d'Opéra)

Blanche, une ville était sur la mer apparue,
Ayant des escaliers, des monuments, des rues,
Des squares, des octrois, des faubourgs souterrains,
La place du théâtre où dorment des marins,
Un temple de métal dont les colonnes chantent,
De la mer et du ciel dans des cages méchantes,
Des arbres habités de dénicheurs de nids,
Des jupes, des pieds nus sur des perchoirs vernis.
Et le soir, le tambour, la trompette des anges
De la terre et de l'eau recommence l'échange;
Et ce fer et ce feu tatouaient sur les corps
L'ancre bleue au cordage enroulé comme un cor.

Sir Francis Rose

caricature de Cocteau: Francis Rose et son chien

Dans ses mémoires, Rose déclare que sa vie commença véritablement en 1925, lorsque sa mère s'installa avec lui au Welcome, centre du monde de l'intelligentsia artistique des année 20.

Cocteau à sa mère, le 30 août 1926:
T'ai-je raconté l'histoire de Sir Francis Rose, qui oblige sa mère, Lady Rose, depuis 2 ans à ne pas habiter leur villa mais le Welcome pour habiter le même hôtel que moi. Il n'a osé faire ma connaissance par sa mère qu'il y a dix jours"

Le 17 septembre 1926, Francis Rose fête l'anniversaire de ses 17 ans.



 Récit de la soirée par Cocteau dans La Difficulté d'être, pp83-84

"Tout commença par Francis Rose. Sa mère était voyante. Dans la salle à manger elle se dressait à sa table, s'approchait d'un monsieur ou d'une dame et leur prédisait l'avenir. Elle portait des robes de toile sur lesquelles Francis peignait des fleurs. 

Francis Rose portrait de sa mère


Il allait avoir dix-sept ans. C'est du dîner de ses dix-sept ans que tout date. On m'avait préparé au bout de la table un fauteuil de velours rouge et placé devant mon assiette un buste de Dante. Lady Rose n'avait invité que des militaires anglais et leurs femmes. Vers huit heures, un étrange cortège apparut au bas de la côte qui conduit de la ville au port. Couronné de roses, Francis donnait le bras à Mme Isadora Duncan en tunique grecque. Elle était fort grosse, un peu ivre, escortée d'une américaine, d'un pianiste, et de quelques personnes ramassées en cours de route. La stupeur des hôtes de Lady Rose, sa colère, l'entrée du cortège, les pêcheurs qui s'écrasaient aux vitres, Isadora qui m'embrassait, Francis très fier de sa couronne, voila comment débute ce dîner d'anniversaire. Un silence de mort statufiait les convives. Isadora riait, se vautrait sur Francis. Même elle se leva et l'entraîna dans l'embrasure d'une fenêtre. C'est alors que le capitaine Williams, ami des Rose, entre en scène. Il avait coutume de sortir de son chandail et de ses manches pigeons et lapins. Il buvait beaucoup. Je suppose qu'il avait beaucoup bu. Il tenait une canne. Il traversa la salle, et s'écriant d'une voix forte : "Allons la vieille, lâchez cet enfant", il abattit sa cane sur la tête de la danseuse. Elle s'évanouit."

Cet évanouissement dans lequel s'éteint le souvenir ne nous livre pas la fin de la soirée. La légende veut que Cocteau ce soir-là contribuât à l'éveil sexuel de Francis Rose en lui amenant dix-sept marins.




Francis Rose  Portrait (prémonitoire) d'Isadora Duncan :1926

"Je la peignis dans un atelier que je louai sur le port de Villefranche. Pour ce portrait elle portait une large écharpe rouge pourvue d'une large frange, qui devait plus tard devenir l'instrument de sa mort. Quand je lui montrai le portrait achevé, dans lequel j'expérimentais une certaine forme de cubisme [plus expressionniste que cubiste, mais Sir Francis rédigea ces lignes trente ans plus tard], elle s'écria : "Mais Francis, vous m'avez tranché la gorge". Par une étrange coïncidence, ce fut la longue frange de l'étole qui s'enroula dans les rayons de la roue de la décapotable de sport qu'on lui avait offerte, et qui pratiquement la décapita devant la plage Henri, tandis que la voiture continuait à rouler."


 

Il s’avéra que Sir Francis Rose devint autre chose que le peintre de fleurs de sa jeunesse. Elève de Picabia et José-Maria Sert, il travailla (sans grands résultats) pour Diaghilev dans la période des Ballets russes  à Monte-Carlo avec Lifar (plus tard l'acquéreur du portrait d'Isadora cou coupé).

Rose Projet pour un ballet Samsom (jamais réalisé)

En 1939, il peindra ce tableau gigantesque représentant quasiment "en pied" les membres de son cercle :


 
Sir Francis Rose, L’Ensemble, 1938. huile sur toile 2 x 3.5 mètres
de gauche à droite: Madame Wellington Koo, Emmy Sommermann, Russell Hitchcock, Natalie Barney, Diana Varé, Serge Lifar, George Maratier, Francis Rose, Christian Bérard, Pavel Tchelitchev, Alice B.Toklas, Gertrude Stein, Jean Cocteau, Louis Bromfield, Tyrone Power, Virgil Thompson, Francis Picabia, Billy Mayor.


Toute sa vie durant, Sir Francis Rose entretint une relation complexe avec Cecil Beaton qui écrit dans son journal intime: "Je ne l'ai jamais aimé. Dès notre première rencontre, je le trouvai révoltant. Son caractère est désagréable. Il a effectivement un certain génie et un flair pour la beauté sous ses formes les plus rares. Mais je n'arrive pas à savoir comment il est devenue ma croix pendant une quarantaine d'années."

portrait de Cocteau par Cecil Beaton


Beaton Sir Francis Rose en "mardi gras"


 cecil Beaton circus Bedroom

 Rose by Beaton


 Beaton par Rose


 Hotel room


2 nus

 Man in blue shirt

 Masque mortuaire de Bérard 1948

 Autoportrait

 Gertrude Stein et Alice B.Toklas


Rose, couverture du livre de Gertrude Stein Paris, France (1940)


C'est par ces deux mécènes célèbres que Rose rencontra Samuel Steward (aka Phil Andros) parfois surnommé le Cocteau américain, lequel en fit un personnage de roman sous le pseudonyme de Sir Arthur Lily dans Vies Parisiennes.
 sans titre 1932

Steward avance la théorie que sir Arthur avait besoin de drame intense pour peindre, et qu'il se complut à cet effet dans des relations romantiques de plus en plus destructives. Dans l'une Sir Arthur parvient à débaucher un marin anglais qui finit par se suicider. Pour sa punition, Sir Arthur engage un prisonnier pour le battre sans merci. Il met fin à l'histoire en s'arrangeant pour que les gendarmes les surprenne et arrêtent le malheureux pour coups et blessures.


Christopher "Kit" Wood

Christopher Wood Villefranche 1924



Christopher (dit Kit) Wood: Marins devant le Welcome 1926. Le dessin est dédié à Jean B(ourgoint), modèle des Enfants Terribles (Kit Wood fut l'amant, au moins de sa sœur Jeanne)


Wood Mlle Bourgoint et son frère (les originaux des enfants terribles)
 
              Jean Bourgoint par Bérard                    par Cocteau

 [Villefranche-sur-Mer, 28 février 1926]. 

 "Cher petit Jeannot, il fait froid - c'est très désagréable - je me recroqueville au lieu de m'épanouir - d'où silence. J'avoue aussi que ce long cauchemar qui consiste à lire partout sur moi des horreurs et des injustices et à "!!" - un déluge d'éloges sur Valéry etc. n'arrange pas les choses. Je ne demande pas beaucoup - mais cette fausse place que j'ai - cette profonde méprise me rend malade et me décourage (...) Silence complet de Jeanne [Jeanne Bourgoint, soeur de Jean]. Je n'ai pas cherché à la voir parce qu'elle a fait une chose très laide. Elle a dit à Kit (qui ne ment jamais) que je trouvais sa peinture idiote, qu'il ne devait pas peindre et que je lui avais avoué que c'est moi qui l'avais empêché de peindre les décors de Diaghilew. Ta maman m'a fait téléphoner par une amie pour que j'essaye d'intervenir auprès de Violette [la princesse Murat, Violette Ney, opiomane et lesbienne, amie de Jeanne Bourgoint]. C'est impossible. Je ne rencontre jamais Violette et je la connais depuis trop longtemps. J'ajoute que rien n'influencerait Jeanne qui nous évite tous. J'en ai de la peine et je voudrais aider ta maman, te rendre service. Avoue que c'est impossible. Toi seul pourra l'éveiller, traverser d'un cri, d'un regard cette couche d'indifférence, être entendu. Mon petit ours je t'embrasse. Jean "



 La plage des Marinières

Dans les baigneurs de 1925, on reconnaît les paysages niçois des bâtiments du casino et de La Réserve.

Baigneurs et paysage du Sud (Villefranche sans doute ou Eze-en-bas)

Cocteau, avec qui Wood  (c'est un Dieu, écrivait le peintre anglais à sa mère) partagea un atelier parisien, mentionne dès 1924 le passage de Kit (en compagnie de Tony de Gandarillas lors de leur voyage à Monaco) à l'hôtel Welcome

Portrait de Wood par Cocteau retrouvé dans ses papiers.

Francis Rose, Saying Life :" sa modestie associée à une beauté pâle et une sensibilité excessive, dominait sa vie autant que sa peinture. C'était un peintre à la fois naïf et sophistiqué. Il voyait comme les primitifs et avait comme les primitifs le sens de la couleur pure et l'élimination de ce qui n'était pas nécessaire. Il avait le même sens de la lumière que Chardin et il est certainement le seul grand peintre anglais du XXè siècle".

Wood  Sir Francis Rose à la pension Ty Mad (Tréboul)

C'est dans cet hôtel breton que Wood fera la connaissance de Max Jacob, dont il deviendra l'amant.

 
 Wood Max Jacob 1929


1926 portrait de George Auric

Chris Wood Autoportrait 1927

tony 1922

 Wood Tony de Gandarillas

Gandarillas fut le "sponsor" de Wood jusqu'en 1929 (et son fournisseur principal de produits interdits), année de sa ruine.

Cecil Beaton La Baronne von Büllop (Tony de Gandarillas en drag)

Car outre l'art, et la sexualité, autre chose réunissait tous les protagonistes de ces tragédies intimes : l'opium.

 Cecil Beaton les rites de l'opium

 Cocteau en attendant Tony qui n'arrive jamais à l'heure


 Cocteau Tony de Gandarillas

Remplissage de la pipe

Beaucoup attribuent à sa tentative de sevrage de l'opium, la fin de Christopher Wood, le 21 août 1930, lorsqu'en gare de Salisbury il tomba sous les roues du train de Londres. Il avait 29 ans.


Richard Warren (2007) Seven suicides

Pour Cocteau, il demeurera à jamais l'Ange qui boîte :


KIT
à Max Jacob
Pour parler de peinture, hélas, je suis profane ;
Peut-être vaut-il mieux dire ce que je sais :
Entre autres que sa ville était le Londres d'Ann,
Lorsqu'elle faisait boire un grog chaud à Quincey.

Dans un monde où la mort vivante nous taquine
Aimant les jeunes et les poètes beaucoup,
Il me faisait penser au prince Muichkine,
Souriant loin au lieu de rendre un mauvais coup.

Une énigme chez l'ange est cette boiterie
Qu'il avait, ne pesant sur terre que d'un pied.
Car son œuvre en exil attendait la patrie
Céleste, où nul ne vous demande vos papiers.

(poèmes épars 1930-1944 Pleïade p 643)




 Le Welcome en 1948
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